L'incroyable histoire du caillou qui voulait devenir montagne

Depuis des millénaires, lové au creux d'un lit de rivière asséchée, gisait un caillou. Pas un caillou quelconque, non. Celui-ci nourrissait un rêve ambitieux, démesuré même pour un simple caillou : devenir une montagne. Autour de lui, le vent chuchotant caressait les dunes de sable, les plantes desséchées craquaient sous le soleil implacable, et les autres cailloux, gris et ternes, acceptaient leur sort avec une résignation désespérée. Mais pas notre caillou. Lui, aspirait à la grandeur.

Son nom, si l'on pouvait lui en attribuer un, était Granit. Et Granit était différent. Il possédait une ténacité farouche, une volonté d'acier (ou plutôt, de silice), invisible à l'œil nu, mais palpable pour ceux qui s'approchaient suffisamment. Il passait ses journées à observer les montagnes majestueuses au loin, leurs sommets pointant vers le ciel comme des doigts accusateurs de la petitesse de sa condition. Il enviait leur grandeur, leur immobilité, leur permanence face au temps qui passe.

Sa première tentative fut désespérée. Il tenta de pousser un autre caillou, plus petit, dans l'espoir de construire une base. Mais la tentative fut vaine. Le petit caillou roula simplement plus loin, emporté par une légère brise. Granit réalisa alors que la force brute ne suffirait pas. Il lui faudrait une stratégie, une approche plus subtile.

Il observa le vent, ses caprices, sa puissance insidieuse. Il constata comment, patiemment, il érodait les roches, les sculptant au fil des siècles. Il comprit alors que son ascension ne serait pas une course effrénée, mais une lente progression, un travail de longue haleine. Il décida d'utiliser le vent comme allié, non pas comme un ennemi.

Des années, des décennies, des siècles passèrent. Granit resta immobile, patient, absorbant les leçons de la nature. Il subit les intempéries, les variations de température, l'érosion constante du vent et de la pluie. Il ne résista pas, il s'adapta. Il accepta les coups, les égratignures, les fissures qui se formèrent sur sa surface. Il utilisa même ces failles à son avantage, les transformant en points d'ancrage pour de nouvelles accumulations de sédiments.

Des générations de cailloux vinrent et partirent, emportés par les courants ou ensevelis sous le sable. Mais Granit restait. Petit à petit, un minuscule tas de sable s'aggloméra autour de lui, puis un peu plus, attiré par la force inexplicable qui émanait de sa volonté de fer. D'autres cailloux, attirés par la masse croissante, s'ajoutèrent à la formation.

Des millénaires plus tard, là où autrefois gisait un simple caillou, une modeste colline émergeait du paysage. Ce n'était pas encore une montagne, mais le début de quelque chose de grand. Et au cœur de cette colline, au plus profond, reposait Granit, le caillou qui avait refusé d'accepter sa condition, et qui, grâce à sa persévérance et à sa sagesse, avait réussi à transformer son rêve impossible en une réalité palpable.

Son histoire, transmise de génération en génération de cailloux, devint une légende. Une légende qui racontait que même le plus petit caillou, avec assez de patience et de détermination, peut un jour atteindre les sommets.